Par Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste, docteur en droit privé.
Le mur de soutènement continue à susciter un important contentieux entre voisins. Sa fonction première est de soutenir les terres du fonds supérieur en raison de son caractère pentu.
A l’occasion de travaux, ou simplement d’un glissement de terrain, ou encore d’une mauvaise évacuation des eaux pluviales, l’état du mur peut rapidement se dégrader et dans ce cas, il convient de prendre rapidement attache avec le voisin propriétaire de l’ouvrage pour effectuer des réparations, ou refaire le mur, ce qui ne vas pas sans poser des difficultés.
Faut-il pour autant attendre que le mur s’éventre ou s’effondre pour engager un procès ?
La jurisprudence civile est de ce point de vue très éclairante, car elle envisage le cas d’une action « préventive » dès lors que des signes apparents de fragilité de l’ouvrage ont été identifiés par un expert.
Par exemple, la Cour d’appel d’Aix en 2018 juge :
"La cour, rappelant par ailleurs que l'expert judiciaire soulignait qu'en raison de l'extrême instabilité des talus, la propriété de la SCI Quatro se trouvait exposée à des risques de ruissellements d'eau en cas de fortes précipitations, à des risques de glissement de masse et enfin à des risques de glissement du talus, a considéré dans les motifs de son arrêt que l'exposition permanente à de tels risques était constitutive d'un trouble excessif du voisinage mais, relevant que la réparation de ce trouble était indiscutablement liée à l'efficacité des travaux de soutènement entrepris par X…, a confirmé le jugement, en ce qu'il avait réservé l'indemnisation de la SCI Quattro de ce chef, dans l'attente de la réponse à la question de savoir si l'ouvrage en nature de mur de soutènement édifié par X… suffit à stabiliser l'ouvrage litigieux et à empêcher tout risque d’affaissement ». (Cour d'appel d'Aix-en-provence, 3ème Chambre A, Arrêt du 22 mars 2018, Répertoire général nº 16/12861).
Il a été jugé plus récemment, en 2019, par la cour de cassation, qu’un simple risque pouvait justifier une action aux fins de réparation ou de remise en état de l’ouvrage dans les termes suivants :
« Ayant relevé que, selon les constatations de l’expert judiciaire, le mur de soutènement construit par m. r…, qui était affecté de défauts importants compromettant, au regard de la nature du sol et de son caractère pentu, sa stabilité à moyen ou long terme, présentait un risque d’effondrement et que, de ce fait, non seulement il ne garantissait pas la disparition des périls menaçant le fonds de la SCI, mais encore les aggravait, la cour d’appel, qui a souverainement estimé que ce risque d’effondrement et le défaut manifeste de mise en oeuvre d’un ouvrage de gros oeuvre satisfaisant à la contrainte impérative de maîtrise des talus et des eaux, excédaient les inconvénients normaux de voisinage, a légalement justifié sa décision » (Cassation, deuxième ch. civ. arrêt nº 1306 du 24 octobre 2019, Pourvoi nº 18-20.701).
La Cour de cassation a rejeté ici l’argument de la défense suivant laquelle « le trouble de voisinage n’engage la responsabilité de son auteur que si sa survenance future est certaine ou s’il existe un risque caractérisé… ». Il n’en est rien, et cela peut donc être mis à profit pour engager rapidement une action judiciaire, après un rapport d’expertise privé ou judiciaire.
On ne saurait donc attendre qu’un mur s’effondre pour saisir la justice, il faut réagir dès les premiers signes de fragilité du mur de soutènement.
Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,
Avocat spécialiste en droit de l’environnement.